Versailles-Ablis

La liaison actuelle entre Versailles et Saint Cyr ne s’impose pas avant la seconde moitié du XIXème siècle. Avant cela, l’ancienne route de Paris à Bordeaux quittait l’avenue de Paris pour obliquer brutalement au sud vers la vallée de Chevreuse. Elle traversait les paroisses de Buc, Chateaufort, Saint Rémy de Chevreuse puis le Molières avant de retrouver la route de Chartres à Paris via Saint Arnoult et Limours. Il n’est pas rare de trouver des clichés de Saint Rémy les Chevreuse du début du XXe siècle sur lesquels la route est encore qualifiée de « Route de Paris à Bordeaux ».

Depuis la fin du XIXe siècle, la Nationale 10 contourne le château par le sud en empruntant l’actuelle avenue du Général de Gaulle, la rue du Maréchal Leclerc se prolongeant en rue de l’Orangerie. Puis elle se glisse entre la grille de l’Orangerie et la pièce d’eau des Suisses, lieu précis du départ de la course Paris-Madrid le 24 mai 1903 à 3 heures 45 du matin.

78006Panneau Michelin de 1952 encore en place quelques dizaines de mètres après la pièce d'eau des Suisses. Le cartouche "D10" laisse entrevoir le "N" de "N10". Octobre 2012, collection L. Carré

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En quittant Versailles, la route longe le parc royal sur près de trois kilomètres avant d’aborder Saint Cyr l’Ecole. La Nationale 10 est ici encore baptisée avenue de la Division Leclerc rappelant l’épopée de la 2è Division Blindée d’août 1944.

Saint-Cyr-l'Ecole (km 25)

En 1686, Saint-Cyr fut le lieu choisi par Madame de Maintenon pour y fonder une institution de jeunes filles devenue sous Napoléon l’Ecole spéciale militaire. Une ville s'est développée autour de l'école et de la Grande Route encore dénommée Route de Bretagne.

Saint-Cyr-l’Ecole (km 25) fut gravement endommagée par les bombardements de 1944. On en  profita alors pour élargir l’artère principale lors de la reconstruction dans les années 1950.

78008L’avenue Pierre Curie à Saint Cyr l’Ecole dans les années 1950 au moment où s’achève la reconstruction de la ville détruite à 85 % en 1944. Collection L. Carré

La Nationale 10 poursuit en s’élevant sur le plateau de Trappes et en obliquant vers le sud-ouest. Elle longe l’étang de Saint Quentin, l’une des réserves d’eau creusée au XVIIe siècle pour alimenter les fontaines et les bassins du parc de Versailles. Sur la route, le lieu-dit « Les Quatre Pavés du Roi » marquait la limite du domaine de Versailles. On y trouvait quatre grandes pierres ornées d’une fleur de lys disposées de part et d’autre de la chaussée. 

78009Le restaurant Cocheteau aux Quatre Pavés du Roi dans les années 1910 à l’époque ou l’automobile dame progressivement le pion aux attelages hippomobiles. Notez la grande publicité, déjà, pour les pneumatiques « Dunlop ». Collection L. Carré

Bien plus tard, ce lieu est choisi pour y faire déboucher l’autoroute A 12, l’une des plus anciennes autoroutes françaises puisqu’ouverte en 1950. C’est aussi l’une des plus courtes avec seulement 8,5 kilomètres. Ce secteur fut profondément bouleversé par les aménagements routiers puis urbains consécutifs à la création de la ville nouvelle de Saint Quentin en Yvelines dans les années 1970.

78008 2Les Quatre pavés du Roi dans les années 1950, l'embranchement avec l'autoroute A12 en proveenance du fameux Triangle de Rocquencourt se réduit à une simple bifurcation. Source: archives municipales de Trappes

78017La belle station-service Antar du Poste Blanc entre les Quatre Pavés du Roy et La Fourche au nord de Trappes milieu des années 1950. La petite station d'origine a été complétée en 1950 par une vaste halle moderne et fonctionnelle qui comprend pas moins de onze pompes ! Située trop près de la chaussée, elle fut détruite en 1962 lors de l'élargissement de la route. Source: archives municipales de Trappes

Quelques centaines de mètres plus loin, à l’approche de Trappes, le carrefour de la « Fourche » donne naissance à la Nationale 12 qui file vers la Bretagne. Pour découvrir l'histoire de la "Fourche", cliquez sur la photo ci-dessous:

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Trappes (km 30)

Le village de Trappes (km 30) doit son essor à l’acquisition des terres de Rambouillet  par Louis XIV en 1706 pour son fils, le comte de Toulouse. Trappes abrite alors le seul relais de poste présent entre Versailles et Rambouillet.

Au XXe siècle, avec l’essor de la circulation automobile, la traversée de Trappes devient de plus en plus difficile. La rue Jaurès n’arrive plus à absorber le trafic et la Nationale 10 est déviée au milieu des années 1950.

78013Vue aérienne de Trappes dans les années 1960. Au centre l’ancien tracé de la Nationale 10 avec ses platanes. L’hôtel du Pavillon bleu est tout à droite. La déviation et le nouveau carrefour avec la Nationale 12 sont visibles en arrière plan.

78014La rue Jean Jaurès peu avant la construction de la déviation. L’hôtel de l’Etoile d’Or occupe les locaux de l’ancien relais de poste. A droite, ce qui fut le « Grenier à sel » rappelant l’époque à laquelle Trappes était terre de grande gabelle. 

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On quitte Trappes en longeant la vaste gare de triage ferroviaire implantée en 1911, devenue aujourd'hui un centre de maintenance SNCF. A côté de la route actuelle, mise en deux fois deux voies entre 1967 et 1970, quelques anciens tronçons subsistent ici et là.

78016Entre Trappes et Coignières, la quatre voies moderne, ici à droite, jouxte parfois le tracé historique facilement reconnaissable à la rangée d'arbres séculaires.

On parcourt sept kilomètres d’une route sans intérêt bordée de centres commerciaux, de stations-services et de garages, avant d'arriver à Coignières. 

Coignières (km 37)

C'est ici, qu'en 1706, le comte de Toulouse fait construire un édifice en retrait de la chaussée pour lui servir de relais en Versailles et Rambouillet. Les monarques étaient régulièrement vus circulant à cheval ou en carrosse sur la grande route. Louis XVI fait parfois étape à Coignières lorsqu'il rentre d'une chasse à Rambouillet, qu’il affectionne particulièrement.

Le village a continué de se développer le long de la Nationale 10 de plus en plus fréquentée. C’est à Coignières que se déroule le premier accident grave de la course Paris-Madrid. Après seulement 20 km de course, la Mercédès de Terry, engagé sous le numéro 290, tente de dépasser un concurrent et heurte violemment le trottoir, ce qui brisa net l'une de ses roues arrière. Les débris de bois percèrent le réservoir d’essence placé très bas et incendièrent la voiture. Le pilote et son mécanicien eurent heureusement le temps de s’extraire de la carcasse.

Cet accident spectaculaire fit prendre conscience à la municipalité de la vitesse sans cesse croissante des automobiles et du danger qu’elle entraînait pour les riverains. Il faudra quand même attendre 1921 pour que la vitesse soit limitée à 20 km/h sur ce tronçon de la Nationale 10.

78017 1Dans les années 1960, la traversée de Coignières devient de plus en plus difficile "Le dimanche, il est presque impossible pour les piétons de traverser la route nationale sauf quand il y a un agent" déplorent les conseillers municipaux dès 1953. Le bruit, la pollution et les autres nuisances obligent les pouvoirs publics à réfléchir aux moyens de fluidifier le trafic. 

Mais la route apporte aussi une activité considérable aux commerçants et artisans. De nombreux garages et restaurants s’implantent dans le bourg et dans les deux hameaux du Gibet et des Maisons Blanches. Parmi eux, le Capucin Gourmand tenu par Paul Kauffman dont le feuilleté de langouste ou la côte de faisan façon du prince lui vaut une étoile au Michelin dans les années 1950 et 1960.
D'autres établissement proposent une cuisine plus simple, adaptée à une clientèle de passage et aux chauffeurs routiers.

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L’auberge du Gibet dans les années 1950. Une Traction d’avant guerre fait quelque peu démodé à côté des modernes 4 CV Renault, Dyna Panhard et Simca Aronde.

78019 1Au hameau des Maisons Blanches, un poste d'essence Caltex s'était installé à côté du restaurant de Louis Feuger "Chez Papayoche".

78021A la sortie de Coignières, les espaces urbanisés se font plus rares et les premiers champs cultivés apparaissent. Une belle allée de platanes rappelle l’ancienne route royale.

Depuis le redressement de son tracé au cours du XVIIe siècle, la Nationale 10 ne passe plus dans le centre des Essarts le Roi.

78022Le carrefour de la Grâce de Dieu aux Essarts-le-Roi dans les années 1950. Une Traction "11 CV" est en route vers Rambouillet, la signalisation Michelin est alors omniprésente. Sur la droite, le relais routier "A la Grâce de Dieu"qui reçoit toujours une nombreuse clientèle aujourd'hui. C'est à cet endroit précis que Georges Moustaki et Edith Piaf furent victimes d'un grave accident de la route le 6 septembre 1958. 

Le Perray (km 45)

On arrive ensuite au Perray-en-Yvelines (km 45) par la cuvette de l’Artoire avant de traverser le centre du bourg qui a retrouvé son calme depuis la déviation ouverte en 1976.
Cette paisible bourgade est située en bordure de la forêt de Rambouillet et comporte plusieurs étangs creusés eux aussi pour alimenter les bassins de Versailles par un système de rigoles. Louis XV puis Napoléon Ier se rendent fréquemment au Peray pour y chasser. Un rendez-vous de chasse est bâti pour l’Empereur entre les étangs de Pourras et de Saint Hubert en 1808.

78023La cuvette de l’Artoire à l’entrée nord du Perray-en-Yvelines a conservé son identité de grande route nationale malgré son déclassement en liaison locale depuis la déviation du bourg.

78024Petit garage à l’architecture intéressante à l’entrée nord de la commune.

78025Le centre bourg du Peray-en-Yvelines à la fin des années 1940. La chaussée est encore pavée, la circulation et le stationnement ne sont pas encore source de problèmes.

A la sortie sud du Perray, se trouve la Croix Saint-Jacques, un obélisque surmonté d’une croix dont les origines remonteraient à Louis XV. Erigé sur la route de Chartres, le monument évoque déjà le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Restauré une première fois en 1874 par le baron de Rothschild l’obélisque fut endommagé plusieurs fois par des camions avant son déplacement à l’écart de la route dans les années 1980. Deux plaques de marbres commémorent les restaurations de 1874 et de 1950.

78029La Croix Saint-Jacques toujours en place sur le bord de la route en direction de Rambouillet. Sa situation particulièrement vulnérable explique qu’elle fut endommagé bien des fois par des poids-lourds.

78027L’Auberge de la Croix Saint-Jacques dans les années 1960. Un large panneau rappelle que l’établissement est une « halte Saint-Jacques » pour des pèlerins devenus automobilistes… Un mini-golf jouxtait le restaurant.

78028La Croix Saint-Jacques aujourd’hui à l’écart de la route. Une plaque de marbre blanc sur laquelle figure une coquille Saint-Jacques rappelle la restauration de 1950.

En sortant du Perray, on retrouve la Nationale 10 déviée. La route s’enfonce dans la forêt de Rambouillet. « Touriste des grandes villes en quête de verdure, de repos et d’histoire, je t’invite à délaisser quelques instants la grande route de l’Espagne pour t’égarer dans les bois de Rambouillet ». C’est ainsi que J. Chaussade, élu de Coignières présente la « Forêt verte » au milieu des années 1960. Depuis le XVIIe siècle cette forêt essentiellement consacrée aux chasses royales, impériales puis présidentielles, le gibier y pullule, favorisant les affaires de quelques restaurateurs.

78026Ouvert après la Première Guerre mondiale sur le bord de la route, le restaurant de la Forêt Verte servait des plats à base de gibier et faisait déplacer les gourmets depuis Paris !

Rambouillet (km 50)

La route arrive à Rambouillet (km 50) déviée par l’est depuis 1958. Cette agréable ville doit sa réputation à son château dont les origines remontent au XIVe siècle et où François Ier rendit son dernier soupir en 1547. Propriété de plusieurs familles sous l’Ancien Régime, dont le comte de Toulouse, le château et son parc sont plusieurs fois remaniés. En 1786, Louis XVI y crée une bergerie pour y élever des moutons Mérinos et une petite laiterie qu’il offre à la reine Marie-Antoinette. Rambouillet devient une des résidences de Napoléon Ier. A la fin du XIXe siècle, le château devient résidence d’été des Présidents de la République.

78030L'ancienne Nationale 10 à l'entrée nord de Rambouillet a conservé tout son charme de l'ancienne voie empruntée par les rois.

La ville a ainsi bénéficié de l’omniprésence du pouvoir qu’il soit royal, impérial ou républicain. L’ancienne route royale contournait le parc du château par l’est avant que la ville ne s’étende.

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Après avoir passé la place Félix Faure, la Nationale 10 se scinde en deux tracés distincts. Le premier est classé RN 10 jusqu’en 1949, il poursuit vers Chartres par Epernon et Maintenon. Cette route très agréable mais ondulante traverse quelques villages et deux agglomérations. 

78032Elle fut délaissée par les automobilistes de l’après-guerre qui lui préférèrent la grande ligne droite de la Beauce de la RN 191 jusqu’à Ablis puis de la RN 188 jusqu’à Chartres. Ce choix de la rapidité avait d’ailleurs était fait dès 1903 par les organisateurs de la course Paris-Madrid…
Depuis 1949, la Nationale 10 quitte donc Rambouillet vers le sud et devient une large route droite comme un « I » à travers la plaine de Beauce.

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Ablis (km 65)

Située dès l’Antiquité au carrefour de nombreuses voies romaines, cette petite ville a une longue tradition d’accueil de voyageurs, de marchands et de pèlerins. Louis XIV y fonde un hôpital-hospice rappelant l’ancienne léproserie du Moyen-Age.

Au début du XXe siècle, Ablis (km 65) connaît un développement rapide le long des routes de Rambouillet au nord et de Chartres vers l’ouest. La course Paris-Madrid traverse le village causant la mort d'une jeune femme renversée par une voiture alors qu'elle tentait de franchir la chaussée. 

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Deux clichés inédits d'un photographe amateur d'Ablis du passage de ce que l'on ne tardera pas à appeler "la course de la mort". 

Le carrefour des deux routes en plein centre du bourg devient un lieu stratégique pour les commerçants jusqu’à l’ouverture de la déviation en 1954.

78037Le garage Legrand dans les années 1920 sur la route de Rambouillet. A la fois agent Citroën, Renault mais aussi dépositaire des pneumatiques Michelin, Hutchinson, des huiles Mobil et Castrol. On ne peut que saluer l’éclectisme du lieu !

78034Le même carrefour dans le centre du village à la fin des années 1950. Le café hôtel du Croissant affilié au réseau des « Routiers » fait face à celui de la Croix-Blanche.

78035Arrivée sur Ablis à la fin des années 1950, la déviation est ouverte depuis quelques années et un panneau Michelin indique clairement la route de Chartres sur la droite.

78036Vue aérienne d’Ablis à la même époque. La nouvelle Nationale 10 visible au premier plan a nécessité la construction d’un pont supportant la route de Gallardon. La jonction avec l’ancien tracé est visible à droite.

La traversée de la Beauce se poursuit avec la même monotonie vers Chartres. La Nationale 10 est ici classée « Route de la Liberté » commémorant l’épopée de la IIIème Armée du général Patton entre juin et septembre 1944. Elle quitte le département des Yvelines pour celui de l’Eure et Loir.

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