La "Fourche" de Trappes

Quelques kilomètres après Versailles, à l’approche de Trappes (km 30), le bien nommé carrefour de la « Fourche » sépare la Nationale 10 de sa cadette, la Nationale 12.

Quand la Route d'Espagne s'appelait Route... de Bretagne

Au début du XVIIIe siècle, la Nationale 10 n’existe bien évidemment pas encore et son tracé entre Paris et Chartres est bien différent de celui que nous lui connaissons. La Grande Route d’Espagne suit encore l’antique parcours via Orléans, les bords de la Loire avant d’aborder la Touraine puis le Poitou. Le parcours entre Paris est Chartres est composé de plusieurs axes, plus ou moins importants. La liaison entre Paris et Versailles se fait alors par la « Grande Route de Bretagne » qui, à Versailles, se faufile tant bien que mal dans des bois au sud du palais avant de rallier Saint-Cyr par le parc du château. A Saint-Cyr, la route poursuit plein ouest vers Bois d’Arcy, Houdan, Dreux jusqu’à … Brest, la future Nationale 12.

A Saint-Cyr se détache aussi une route, pour ne pas dire un chemin, qui traverse toujours le grand parc de Versailles, passe entre deux étangs, celui de Bois-Robert et celui d’Arcy, avant de filer vers Trappes puis Rambouillet, embryon de la future Nationale 10. Ces deux axes sont clairement visibles sur les cartes de Trudaine et de Cassini, même si la route de Bretagne semble bien plus importante que celle se dirigeant vers Rambouillet.

Saint cyr bois d arcy2La Grande Route de Bretagne, future Nationale 12, nait au XVIIIe siècle au sud de Saint-Cyr (encadré en jaune) tout comme la future Nationale 10 qui se glisse entre deux étangs avant d'aborder Trappes. En rouge, la bifurcation de la Fourche. Source image: carte de Cassini, BNF.

Quelques encablures avant Trappes, alors que la route sort du parc de Versailles, une bifurcation, « La Fourche » oblique vers le nord-ouest et permet de rejoindre la route de Bretagne au niveau de la forêt de Sainte-Apolline.

Saint cyr bois d arcyOrientée vers le sud, cette carte de Trudaine du milieu du XVIIIe met en évidence la route traversant le Grand Parc de Versailles, celle qui deviendra la Grande Route d'Espagne quelques années plus tard. La bifurcation à l'entrée de Trappes est bien visible. Source image: carte de Trudaine, BNF.

Au début du XIXe siècle, c’est désormais à cette « Fourche » que débute réellement la Route de Bretagne devenue entre temps Route Impériale numéro 13 jusqu’en 1824 puis Route Nationale numéro 12. L’ancienne liaison depuis Saint-Cyr est progressivement délaissée, prenant sous la Restauration le titre « d’Ancienne Grande Route de Montfort à Versailles » avant de devenir chemin de grande communication 134 puis route départementale 134.

Trappes02Au milieu du XIXe siècle, l'ancienne route de Bretagne via Bois d'Arcy est devenue un axe secondaire. la Route de Brest par Alençon débute désormais à la Fourche de Trappes. Source image: carte d'Etat-major, BNF.

Le "Pavillon Bleu"

La « Fourche » devient donc un lieu fréquenté par les usagers en route vers Bordeaux pour les uns, vers la Bretagne pour les autres. A la fin du XIXe, un important hôtel-restaurant le « Pavillon Bleu », situé juste à l’embranchement des deux grands axes, accueille les voyageurs mais aussi les promeneurs et les canotiers de l’étang de Saint-Quentin tout proche. Longtemps tenu par la famille Lecannelier, le « Pavillon Bleu » était une adresse incontournable dans la région.

Au XXème siècle, avec l’essor de la circulation automobile, la « Fourche » s’équipe progressivement de panneaux routiers dont un des premiers est posé dès 1920.

PanneauInauguration en grande pompe d’un panneau d’indication offert par les pneumatiques Dunlop en 1920 sous l’impulsion du Touring Club de France. Le manufacturier réplique ainsi à Michelin qui étend à la même époque sa signalétique sur les routes de France. Source image: collection Th. Dubois.

Fourche01A la fin des années 1920, la "Fourche" est dotée de deux panneaux identiques, l'un pour la N10, l'autre pour la N12. Collection L. Carré.

 

Le carrefour devenu un important lieu de passage pour les autombilistes se dote aussi de nombreux postes d’essences, particulièrement nombreux en direction de Paris.

Fourche03La bifurcation à la fin des années 1920, les postes d'essence et leurs fameux chars à huille pullulent. A gauche, deux panneaux Michelin matérialisent la "Fourche", celui placé le long de la N10 indique Paris et Rambouillet. Source image: collection Th. Dubois.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale le trafic de la Nationale 10 s’intensifie. La rue Jean Jaurès, l’artère principale de Trappes, ne peut plus absorber le flot sans cesse croissant de véhicules. L’ouverture de l’autoroute de l’ouest en 1950 n’arrange rien puisque le tronçon reliant le fameux triangle de Rocquencourt à la RN 10 débouche aux Quatre pavés du Roi deux kilomètres en amont de Trappes.
 

Fourche 1949Photographiée en 1949, la "Fourche" est encore dans sa configuration d'origine même si l'urbanisation se fait plus présente autour des deux routes nationales . Source image: IGN.

Une déviation de la Nationale 10 par l’ouest est actée au tout début des années 1950, reprenant un projet datant de 1934. Après quelques mois de travaux, le nouveau tronçon ouvre en 1953. Ce nouveau tracé, prévu à l’origine bien plus au nord, coupe désormais la ville en deux en ne solutionnant que partiellement les embouteillages. La bifurcation de « La Fourche » est désormais déplacée de quelques dizaines de mètres plus à l’ouest, isolant le « Pavillon Bleu » de la nouvelle RN 10.

Fourche 1960Ouverte depuis 1953, la déviation de la Nationale 10 (en vert) fluidifie considérablement le trafic tout en désengorgeant le centre de Trappes. Le carrefour avec la Nationale 12 (flèche jaune) est de ce fait décalé d'une centaine de mètres à l'ouest. L'ancienne RN 10 (rouge) est quant à elle reconvertie en une simple rue. Cliché de 1959, source image: IGN.

Vue aerienne2Vue aérienne de Trappes dans les années 1960 avec les "deux Nationales 10" distantes d'à peine 100 mètres. Tout à droite l’hôtel du Pavillon bleu. En arrière plan, la déviation et le nouveau carrefour avec la RN 12. Source image: archives municipales de Trappes.

Aujourd’hui complètement noyée dans l’agglomération de Trappes, l’ancienne « Fourche » est encore perceptible même si la bifurcation a laissé place à un rond-point. Le « Pavillon Bleu » originel est quant à lui devenu une pizzeria mais l’appellation perdure toujours à l’hôtel bâti juste à côté.

Fourche2010La Fourche en 2010, à droite l'ancien Pavillon Bleu s'est nettement agrandi avec la construction d'un vaste hôtel. Source image: Google.

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