Béhobie, clap de fin !

Si la Nationale 10 débute symboliquement sur le parvis de Notre-Dame à Paris, elle s'achève dans les Pyrénées-Atlantiques à Béhobie après quelques 765 kilomètres.

Ce quartier frontalier de la commune d'Urrugne est distant de 6 km du bourg. Bordé par la rivière Bidassoa, Béhobie est un lieu de passage international depuis plusieurs siècles tout d’abord pour les légions romaines puis, au Moyen-Age,  pour les « jacquets » en marche vers Saint Jacques de Compostelle.

Mais la notoriété du lieu vient surtout de la signature du Traité des Pyrénées qui s’y déroula le 7 novembre 1759. La France et l’Espagne choisirent l’île des Faisans, distante de quelques centaines de mètres de Béhobie, pour mettre un terme à 24 années de guerre.

Behob08L'île des faisans avec, à gauche, le petit monument commémorant la signature du Traité des Pyrénées. Octobre 2014.

Le traité des Pyrénées comporte une clause organisant le mariage de Marie-Thérèse d’Autriche, Infante d’Espagne, avec Louis XIV, son cousin. Le mariage sera célébré le 9 juin  1660 à Saint-Jean-de-Luz, concrétisant ainsi l’union des deux puissance européennes d’alors.

Au XVIIIe siècle, sur les cartes de Cassini, Béhobie est affublé du terme « Pas de Béhobie » signifiant que le passage entre la France et l’Espagne y était étroit et difficile au fond de la vallée de la Bidassoa. La rivière ne se traverse qu’à gué, à marée basse, ou en gabarre, sorte de barque à fond plat.
Un premier pont en bois voit le jour en 1795, vite détruit. Il faut attendre 1807 et les préparatifs de la guerre d’Espagne pour qu’un second pont soit construit. Il sera lui aussi détruit en 1813 lors de la retraite de l’armée napoléonienne.

Un troisième pont, baptisé « pont d’Angoulême » fut édifié en 1823. Celui-ci fut remplacé par une quatrième construction en 1866 qui subsista jusqu'en 1969.

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Ce pont international de six piles en maçonnerie ne fut recouvert d'une véritable chaussée qu'en 1886. Propriété de la France et de l'Espagne, la ligne de partage était matérialisée par deux drapeaux respectifs sur le pont.

Au début du XXème siècle, avec l'essor de l'automobile et des échanges commerciaux routiers, Béhobie devient un lieu de plus en plus fréquenté.

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La Nationale 10 débouchait dans la bourgade à l'issue d'une longue descente depuis la Croix des Bouquets (commune d'Urrugne), responsable de nombreuses surchauffes de freins de poids-lourds.

Behob10Une ultime station-service Esso (à droite dans la direction de l'Espagne) permettait de faire le plein avant de parcourir les derniers dizaines de mètres de la Nationale 10 et de s'avancer vers le poste frontière. Un dernier carrefour conduisait vers Hendaye ou vers Biriatou.

Behob02Les bureaux des douanes françaises se trouvaient à gauche et faisaient face au bien nommé Café de la Frontière. Le bâtiment abritant les bureaux des douanes fut démoli en 1969 lors de la construction du nouveau pont international et du réaménagement du carrefour vers Hendaye et Biriatou.

Behob07Le même endroit aujourd'hui. Le Café de la Frontière est toujours ouvert, sous un autre nom. Sur cette photo de 2014, on mesure l'ampleur des travaux effectués au niveau du carrefour avec la démolition d'un grand bâtiment près de l'église.

Behob06Le poste frontière à la fin des années 1930. Une Traction, lourdement chargée, est stoppée au niveau du poste frontière le temps d'accomplir quelques formalités. La frontière n'était pas ouverte en permanence et il fallait souvent beaucoup de patience pour pouvoir s'engager sur le pont, visible ici en arrière plan. Un bureau de change permettait de pouvoir se procurer des pesetas avant de passer en Espagne. Notez aussi la sympathique terrasse du Café de la Frontière.

Behob04 2Aujourd'hui, le bureau de change a disparu pour laisser place à un parking, le poste frontière abrite désormais une banque mais a conservé son architecture originale. Le pont de 1886 a totalement disparu, reste quand même l'emplacement des piles, visibles à marée basse.

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Au milieu des années 1960, avec l'explosion du trafic routier et le retard pris dans l'aménagement de la liaison autoroutière il est décidé de construire un nouveau pont international, plus adapté aux besoins de l'époque. La frontière à Béhobie, particulièrement engorgée pendant les mois d'été doit gagner en fluidité et en efficacité.

Dès 1964, un protocole est signé entre la France et l'Espagne stipulant que le futur pont international de Béhobie sera entièrement financé par l'Espagne, la France se chargeant de construire celui d'Hendaye distant de 2 kilomètres plus à l'ouest. Les deux postes frontières seront regroupés dans un même bâtiment.

Behob11Le nouveau pont de Béhobie, long de 87 mètres est construit en amont de l'ancien et repose désormais sur trois piles. Il est mis en service en 1969. Du côté français, la chaussée et portée à 42 mètres de large pour pouvoir se raccorder au mieux à la route longeant la Bidassoa. Sur cette vue aérienne des années 1970, on peut deviner l'emplacement de l'ancien pont dont on peut encore apercevoir la première travée côté français.

Behob12Le nouveau poste frontière commun à la France et à l'Espagne est donc désormais implanté sur le territoire espagnol ce qui a permis aux deux autorités de pourvoir travailler plus efficacement. Une Peugeot 403, venant de passer le contrôle français semble ici intriguer un douanier  espagnol.

Avec l'ouverture de l'A 63, l'entrée de l'Espagne dans la CEE en 1986 le poste frontière de Béhobie connait un déclin de son activité. Depuis l'entrée en vigueur des accords de Schengen, en 1995, les contrôles de police et de douane ont été supprimés, le bâtiment sera finalement démoli au milieu des années 2000.

Behob05C'est donc sur les bords de la Bidassoa, dans ce petit quartier à l'histoire mouvementée, que la Nationale 10 tire sa révérence. Elle passe le relais à sa cousine espagnole, la route nationale N-1, qui poursuit le chemin jusqu'à Madrid. Mais ça, c'est une autre histoire.

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