- Accueil
- Un mois, un lieu
- La station-service OZO Bellevue
La station-service OZO Bellevue
Du poste d’essence à la station-service
Idéalement situé sur la Nationale 10 à quelques kilomètres au sud de Sainte-Maure-de-Touraine (Indre-et-Loire) le restaurant routier « Les Deux Croix » tenu par monsieur Cuvillier et son épouse connaît une intense activité au début des années 1950. Dans le soucis de proposer à ses clients un service supplémentaire, monsieur Cuvillier décide en avril 1954 d‘installer à proximité de son restaurant un poste de distribution de carburants en collaboration avec la société Huilcombus. Un avant-projet prévoit un poste constitué de trois volucompteurs électriques de marque « Voluprix » alimentés par trois réservoirs de six mille litres chacun.
La société Huilcombus obtient de la mairie de Sainte-Maure-de-Touraine l’autorisation d’implanter cette nouvelle station en décembre 1954 sur une parcelle bordant la Nationale 10 vendue par monsieur Cuvillier. Le dossier de construction est soumis aux autorités compétentes en mars 1955 pour un coût estimé à un million cinq cent mille francs. Le permis de construire est accordé en avril de la même année, les travaux débutent pendant l’été et la station est achevée en février 1956.
Source image: archives municipales de Sainte-Maure-de-Touraine
Plus qu’une architecture, une véritable sculpture
La nouvelle station bénéficie d’une architecture remarquable, très moderne, aux lignes tendues inspirées par les stations-services américaines. Le dessin est l'oeuvre de l'architecte Paul Lagneau. Une vaste « casquette » surplombant deux volucompteurs donne naissance à une flèche-totem de près de onze mètres de hauteur servant de support à la marque du distributeur de carburants. D'autres stations furent construites par le réseau OZO comme le montre ce cliché pris à Issoire (Puy-de-Dôme).
Source image: Sabrio reprise par le site http://astudejaoublie.blogspot.fr/
Ces stations flanquées de ces « totems », assez répandues dans les années 1950, seront rapidement surnommées « les bateleurs des bords de route », leur architecture rappelant la proue de certaines péniches.
L’intérieur du bâtiment est assez sommaire puisqu’il comprend en façade un bureau-magasin de onze mètres carrés puis des toilettes-lavabo et une cabine de téléphone à l’arrière. Peinte d’un blanc immaculé, la station est mise en service au printemps 1956 avant d’être cédée à la société OZO en novembre de la même année.
Dès lors, l’ensemble constitué du relais routier et de la station permet aux usagers de la Nationale 10 de se ravitailler en carburant et de se restaurer jour comme nuit.
Malheureusement, les relations entre monsieur Cuvillier et les gérants de la station vont peu à peu se dégrader autour de la question du droit de passage, pourtant dument établi devant notaire, permettant d’accéder au parking du restaurant depuis la piste de la station. En 1958, le couple de gérants donne sa démission à la société OZO qui en profite pour rafraichir la station avant d’accueillir les nouveaux mandataires.
De la simple station au Relais Charles Martel
C’est aussi à cette date que germe l’idée d’implanter une seconde station-service de l’autre côte de la Nationale 10 dans le sens Province-Paris. Ce projet est d’abord motivé par des raisons de sécurité, en effet du fait de la situation de la station, en haut d’une côte, beaucoup de routiers hésitent à traverser la Nationale pour venir se ravitailler en gasoil. Ceci dit, OZO souhaite, bien entendu, écouler plus de carburants avec cette nouvelle implantation qui sera mise en service au début des années 1960. La nouvelle station adopte par contre une architecture beaucoup plus conventionnelle comme le montre ce cliché de 1984.
Source image: photothèque Total
A la suite de la fusion entre la société OZO et Total en 1964, les deux stations changent de marque et sont repeintes à la nouvelle image de marque.
Source image: Nicolas Studievic
Elles forment désormais « Relais Charles Martel » en référence à la bataille dite « de Poitiers » qui se serait déroulée non loin de Sainte-Maure-de-Touraine selon certaines sources.
Le relais fait partie du réseau Total « La route de nuit », ouvert 24 heures sur 24. Il est l'unique point de ravitaillement Total disponible sur la Nationale 10 entre la Touraine et le Poitou de nuit.
De l’abandon à la conservation
Source image: photothèque Total
Avec l’ouverture de l’autoroute A 10 entre Tours et Poitiers en 1977 le trafic sur la Nationale 10 diminue inexorablement. Total décide de fermer le relais Charles Martel courant 1982 malgré les 30 mètres cubes de carburants encore écoulés chaque mois.
Comme nombre de stations-services désaffectées, le bâtiment trouve une seconde vie comme bureau de vente de voitures d'occasions jusqu’au début des années 1990. La flèche sert alors de support publicitaire pour le restaurant routier qui après s’être appelé « Les Deux Croix » puis « Le Bellevue » se dénomme désormais "L'Etoile du Sud", un établissement de spécialités marocaines.
A la fin des années 1990, le restaurant ferme, les lieux se dégradent peu à peu faute d’entretien. La station se défraichit, les vitrines sont brisées, le lierre gagne l'arrière du bâtiment mais elle ne perd rien de sa superbe, toujours dressée le long de la route et attendant un hypothétique regain d’intérêt.
En 2011, la municipalité de Sainte-Maure-de-Touraine prend conscience du caractère patrimonial du bâtiment et décide de le protéger en 2013 rendant sa démolition impossible. Au même moment, le nouveau propriétaire fait repeindre la station lui redonnant un aspect beaucoup plus flatteur. Régulièrement photographiée par des amateurs d'ambiance routière ou d'architecture hors norme elle est un témoignage de l'âge d'or de la route des Trente Glorieuses.