Les routiers d'Arlette

 

Arlette coule aujourd'hui une retraite heureuse à Sainte Maure de Touraine  tout près de Sepmes, village dont elle est originaire.
Comme de nombreuses jeunes filles de sa génération, Arlette a débuté sa vie professionnelle au début des années 1960 comme serveuse dans les relais routiers.

Elle est ici en tenue de travail avec ses collègues du Café du Croissant à La-Celle-Saint-Avant (Indre et Loire) en 1965.

De Sainte Maure de Touraine (Indre et Loire) jusqu'à Fontaine-Pezou (Loir et Cher) en passant par Chambray-les-Tours, elle a fait l'essentiel de sa carrière sur la RN 10 même si elle a travaillé quelques temps sur la RN 11 à Epannes (Deux Sèvres) où à Tournus (Saône et Loire) sur la RN 6. Elle quittera le monde des relais routiers en 1970 pour s'installer en région parisienne.


De cette époque, elle garde de nombreux souvenirs et anecdotes bien sûr mais elle conserve surtout une cinquantaine de clichés de chauffeurs routiers posant fièrement avec leurs "bahuts" devant les restaurants où elle a travaillé. Elle m'a confié ces photos sorties tout droit des années 1960 alors que le trafic sur la RN 10 est intense, les poids-lourds omniprésents, l'autoroute A 10 n'est qu'un lointain projet.

Je vous propose donc de rendre hommage à Arlette et à ses collègues qui ont travaillé sans compter leurs heures pour offrir le meilleur service aux clients de passage, souvent pressés, mais aussi à ces chauffeurs routiers de "la grande époque" forgeant la légende de la ligne Paris-Bordeaux-Espagne.

Toutes les photographies publiées ici sont sa propriété et sont donc soumises au respect du droit d'auteur. Me contacter pour tout usage, merci de votre compréhension.

Le Restoroute de Chambray-les-Tours

Arlette débute donc sa carrière au fameux Restoroute des 24 heures de Chambray-les-Tours en 1962.

Pour connaitre l'histoire du Restoroute, cliquez sur la photo ci-dessous:

chambray01.jpgL'établissement a ouvert en 1955 sur le mode des diners, les restaurants que l'on rencontre le long des Highways aux Etats-Unis.

Le concept de restauration rapide développé en France par Jacques Borel repose sur la rapidité et l'efficacité. Il faut servir un repas simple et bon marché à des clients qui sont le plus souvent pressés de reprendre la route. Le premier Restoroute ouvre en 1954 au lieu dit "La Croisée" à Rouvray (Côte d'Or) sur la RN 6. Au milieu des années 1960, la "chaîne" des Restoroutes comprend sept établissements tous situés sur des routes nationales majeures comme les RN 4, RN 7, RN 20 ou encore RN 23.

Celui de Chambray-les-Tours ne déroge pas à la règle du "manger rapidement" avec un large comptoir où les clients peuvent dévorer un "snack" sur le pouce. Quelques tables sont disposées devant la grande façade vitrée et un petit coin "salon", avec une cheminée et deux fauteuils plus cossus, accueille ceux qui veulent savourer leur pause.
Les doubles portes d'accès aux sanitaires sont "battantes" à la manière des portes de saloon dans les westerns. Beaucoup de petits garçons se sont imaginés quelques secondes en cow-boys en franchissant les portes des toilettes.

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Le bâtiment se veut résolument moderne tout comme la petite station Antar elle même portant le nom des "24 heures" située juste à côté, au croisement des RN 10 et RN 143. Le Restoroute des 24 heures figure néanmoins dans le guide Michelin dans la catégorie des "tables simples, convenables" comme le montre cet extrait du guide rouge 1961:
 

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Le personnel devait s'adapter aux besoins de la clientèle et surtout servir rapidement, Arlette se souvient "le rythme de travail au Restoroute était infernal, le restaurant étant ouvert 24 heures sur 24, les clients se succédaient sans arrêt, heureusement l'ambiance entre collègues était chaleureuse. Au petit matin, quelques ouvriers venaient prendre leurs cafés avant d'aller embaucher, il arrivait même que les "filles" du boulevard Béranger viennent manger un morceau avant d'aller se coucher...".
Le parking en pente réservait lui aussi des surprises "il est arrivé quelques fois à des voitures dont le frein à main avait été mal serré de traverser la Nationale, sans jamais provoquer d'accident fort heureusement" se remémore encore Arlette.

Quelques personnalités s'arrêtaient au Restoroute, Arlette se rappelle notamment avoir servi Théo Sarapo, le second et dernier mari d'Edith Piaf.

Fin 1962, elle décide de changer d'employeur ce qui ne l'empêchera pas de retravailler à nouveau au Restoroute en 1964 et en 1965.

De la RN 10 à la RN 11

C'est donc fin 1962, qu'Arlette devient salariée du Café des Sports à Sainte-Maure-de-Touraine.

Ce vaste bâtiment sur la RN 10 abritait à l'origine deux établissements distincts. A gauche, le plus ancien, l'Hôtel de l'Etoile date de la fin du XIXe siècle et à droite le Café des Sports ouvre lui en 1918.

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Les deux commerces fusionnent en 1953 pour donner naisance au Café des Sports.  

Avec les restaurants du Cheval Blanc, du Veau d'Or et de la Boule d'Or (situé juste en face) c'est l'une des étapes gastronomiques de Sainte-Maure pour les usagers de la route.

A l'époque où Arlette y travaille, le Café des Sports entre selon le guide Michelin dans la catégorie des hôtels "simples et confortables" avec 22 chambres entre 9 et 12 francs la nuit. Le petit-déjeuner est à 2 francs, les repas s'échelonnent de 6 à 7 francs 50.

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En 1962, l'établissement est tenu par M. et Mme Ploquin, les descendants d'une famille de charrons qui occupe les lieux depuis des générations et qui est à l'origine de l'ouverture du café.

equipe-des-sports-1962.jpgL'équipe de service en place en 1962 pose ici devant l'entrée du restaurant, Arlette est tout à fait à gauche. La bière Pantherpils "grande bière export" figure en bonne place sur le store de la terrasse. Une publicité, encore visible aujourd'hui, représentant une grande panthère noire a été peinte sur un pignon juste à côté du restaurant.


Arlette se souvient que l'ambiance de travail était plus agréable qu'au Restoroute, "il fallait recevoir la clientèle le mieux possible et lui réserver quelques surprises comme cette St Sylvestre où tout le personnel était déguisé en moines". Elle se rappelle aussi avoir servi l'amiral Philippe De Gaulle en 1962 entre autres.

C'est ici qu'Arlette rencontre celui qui deviendra son époux. Cet homme occupe un emploi pour le moins original dans les pompes funèbres, en étant convoyeur de corps. Il ramène des défunts, d'origine espagnole ou portugaise le plus souvent, dans leur pays d'origine pour y être inhumés. Pour ce dernier et long voyage, le convoi mortuaire est souvent accompagné de la famille. "Il y avait deux salles de restauration au Café des Sports, l'une pour les clients de passage et l'autre pour les chauffeurs routiers. Lorsque nous accueillions un convoi des pompes (funèbres), il était servi dans la salle de passage un peu à l'écart et en priorité pour  qu'il puisse reprendre la route rapidement" se remémore-t-elle.

En 1963, Arlette quitte le Café des Sports et la RN 10 pour un autre relais routier à Epannes (Deux-Sèvres) sur la RN 11 qui rallie Croutelles au sud de Poitiers à Rochefort. C'est ici qu'Arlette fait ses premiers clichés de camions et débute, sans le savoir, une importante collection.

 

sav09.jpgPhotographié lors d'une journée bien froide, ce SAVIEM JL 200 immatriculé en 1963 roule pour les transports Pierre Mothe, entreprise de la banlieue bordelaise toujours en activité aujourd'hui. Le chauffeur a fixé une toile sur la calandre de la cabine pour en améliorer le chauffage.


inc07.jpgCe Bussing, marque allemande, n'est pas très répandu sur les routes de France dans les années 1960, à l'époque où le "marché commun" ne fait que débuter. Cet impressionnant attelage appartient à la briqueterie Ayrault (dénommée aussi "ERO") située à l'entrée nord de Parthenay (Deux-Sèvres). Cette entreprise fondée en 1939 par René Ayrault emploie 220 personnes dans les années 1960 et près de 550 dans les années 1970 pour une surface couverte de 35000 m² ! Victime de la concurrence des briqueteries plus modernes elle doit malheureusement déposer le bilan en 1981; la friche industrielle est toujours présente aujourd'hui.


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Toujours sur la RN 11, ce tracteur Berliet TCK immatriculé en 1956 en Indre et Loire et sa semi fourgon bâchée Trailor attendent leur chauffeur. Notez la cabine bicolore, le pare-brise en deux parties ouvrantes et la plaque "TIR".

 

inc01.jpgImpressionnant cliché d'un porteur FIAT 682 N d'une entreprise italienne. Si c'est bien lui, le chauffeur semble assez heureux de poser à coté de l'épave. Cette scène rappelle combien le métier de chauffeur poids-lourd était dangereux à une époque où les temps de conduite étaient loin d'être aussi réglementés qu'aujourd'hui. La plupart des accidents étaient en effet dus au manque de sommeil.

De la RN 11 ... à la RN 10 !

Après quelques mois de travail à Epannes, Arlette change à nouveau d'employeur au cours de l'année 1963. Elle est de retour sur la RN 10 mais dans le Loir et Cher.

Elle est embauchée à Pezou, au nord de Vendôme, au hameau des Fontaines où se croisent les RN 10 et RN 826,  au Relais d'Argenteuil, connu aussi sous le nom de Chez Pierre. Le restaurant est alors tenu par M. Blot.

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Hébergée dans une petite chambre le long du restaurant, elle se souvient d'un petit matin d'hiver où elle a réveillé un chauffeur des Pyrénées qui devait reprendre sa route vers Paris. Quelques minutes plus tard,  le camion démarre, s'ébranle sur quelques mètres avant d'aller se coucher brutalement dans le fossé. Le chauffeur a du faire face à un début d'incendie causé par le petit chauffage d'appoint à l'alcool pas totalement éteint. L'incendie avait été rapidement maitrisé mais le chauffeur avait du être conduit par le patron du relais à l'hôpital de Blois.


ber07.jpgLe seul camion photographié par Arlette au cours des quelques mois de travail à Pezou est ce Berliet GPRK 10 porteur d'un fourgon frigorifique des transports Hilaire basés à La Réole en Gironde; l'entreprise est aujourd'hui toujours en activité. Ce camion devait surtout rouler de nuit comme le prouve les quatre projecteurs auxiliaires fixés sous le pare-chocs. Beaucoup de poids-lourds frigorifiques du Sud-Ouest roulent à destination des Halles parisiennes situées encore au centre de la capitale.

Retour en Indre et Loire

Arlette ne reste que quelques mois à Pezou avant de revenir en Indre et Loire en 1964 toujours sur la RN 10. Elle travaille de nouveau au Restoroute des 24 heures à Chambray-les-Tours avant d'embaucher dans un autre  relais routier, Le Café du Croissant, au centre du village de La-Celle-Saint-Avant.

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Sur ce cliché de la fin des années 1950, l'établissement est composé d'une contruction ancienne sur laquelle figure le nom du café avec quelques publicités de boissons et d'un bâtiment plus récent et plus bas. Des tables avec parasols en terrasse permettent aux clients de se détendre avant de reprendre la route. Le Café du Croissant se partage une importante clientèle avec La Caravane, autre relais routier de cette commune.

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Sur cette vue aérienne du bourg de La-Celle-Saint-Avant au milieu des années 1960, le Café du Croissant (entouré en rouge), tenu par M. Dirr, est idéalement  situé le long de la route nationale mais  n'offre que peu de places de stationnement. La plupart des camions qui y font étape se garent en face ou près de l'église.

Les chauffeurs "lignards" de l'axe Paris-Bordeaux-Espagne commencent à bien connaitre Arlette et choisissent désormais de faire une pause dans ce nouveau lieu de travail. Elle les comparait à "une volée de moineaux" n'hésitant pas à aller de relais en relais au gré des différents emplois des serveuses avec lesquelles ils avaient crée des affinités.
C'est ici qu'elle fera l'essentiel des photos des chauffeurs et de leurs camions stationnés devant le café le temps d'une pause ou d'un repas. Les photos sont classées par marques de camions, françaises tout d'abord.

Berliet

Berliet construit des véhicules depuis le tout début du XXe siècle, d'abord des automobiles avant de se spécialiser dans les poids-lourds après la Seconde Guerre mondiale. Des années 1950 aux années 1970, Berliet est le leader du marché grâce à des camions innovants, puissants et robustes. Après un rapprochement avec Citroën, la marque lyonnaise est finalement absorbée par le groupe Renault à l'aube des années 1980.

ber01.jpgCet attelage est tiré par un TLM 12 immatriculé dans le département des Landes en 1966. Comme tous les tracteurs Berliet, son nom débute par un "T". Il est équipé de la fameuse cabine "Relax" inaugurée en 1958 et offrant, comme le laisse suggérer son nom, plus de confort au chauffeur.



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Autre attelage, plus modeste; le tracteur est un TBK 6, lui aussi équipé de la cabine "Relax" immatriculé en Gironde à la fin de l'année 1963. Il tire une benne particulièrement haute à pont unique. Le chauffeur a tenu à bien prendre la pose...



ber03.jpgCe Berliet TCK de 1964 des transports toulousains Marty (l'entreprise fondée en 1957 est désormais installée dans le Tarn et Garonne) tracte des citernes. La partie centrale de la calandre a été déposée probablement pour améliorer le refroidissement du radiateur. Notez les deux plaques "Berger" et "Ricard" fixées sur la façade du relais déjà vues sur le cliché en noir et blanc.


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Autre chauffeur des transports Marty posant fièrement devant ce Berliet GCK, la lettre "G" désignant les porteurs de la firme lyonnaise. Il est stationné en face du relais, en direction de Bordeaux.


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Un autre porteur immatriculé en Indre et Loire début 1964, ce classique GLR est lui aussi équipé de la cabine "Relax" M3 offrant une couchette un peu plus confortable. Il transporte de la nutrition animale "COFNA" destinée aux élevages avicoles comme le laisse penser le logo sur la portière. On peut aussi remarquer la publicité pour la Bénédictine sur un pignon en arrière plan.

Bernard

Autre grande marque hexagonale existant depuis 1923, les camions Bernard étaient réputés pour leur fiabilité et leur endurance.

bern01.jpgCe TDA immatriculé début 1963 arbore la superbe cabine du carrossier Pelpel dite "Télévision" rappelant les formes anguleuses des postes du moment. Dessinée par le styliste Philippe Charbonneaux (auteur du dessin de la Renault 16 entre autres), cette nouvelle cabine lancée en 1960 offre une visibilité et un confort exceptionnels à l'époque. Cette innovation n'empêchera malheureusement pas l'absorption de Bernard par l'américain Mack en 1963.



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Autre tracteur Bernard TDA immatriculé début 1964 appartenant lui aussi à la flotte de l'entreprise Barbot de Descartes située à quelques kilomètres de là. Spécialisée dans les charpentes métalliques, cette entreprise, toujours en activité, transportait ses productions sur des remorques particulièrement longues. Les amateurs apprécieront à gauche la 2 CV vert embrun très probablement de 1961.


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Ce porteur TDA 180 stationné en direction de Bordeaux est peut-être en panne comme le laisserait penser le Citroën Type H de dépannage garé juste devant. Le petit fourgon appartient à un concessionnaire Willeme ce qui ne l'empêche pas de prêter secours à une autre marque.
 

 

bern03.jpgPlus ancien, ce tracteur Bernard TD des transports Fabre des Landes appartient à l'ancienne génération. On comprend en l'observant combien la cabine dite "Télévision" a pu être un progrès pour les chauffeurs !


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Porteur TD immatriculé en 1954 transportant des aliments pour animaux d'élevage. Notez là aussi les quatre projecteurs fixés sous le pare-chocs qui suppléent efficacement les gros phares d'origine.


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Pour en finir avec les camions Bernard, cet attelage tiré par un tracteur TD 211 de 1963 équipé d'une cabine plus moderne mais encore doté d'un capot issu de l'ancienne génération; l'ensemble n'est pas très harmonieux.

Renault

Seul représentant de la Régie Nationale des Usines Renault, ce modeste Galion  a été immatriculé en 1964. Le fourgon "isotherme-réfrigérant" qu'il supporte sert aux livraisons des salaisons Deslandes et Thurier installées sur la RN 10 entre Chambray-les-Tours et les Gués de Veigné.

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SAVIEM

La marque SAVIEM (Société Anonyme des Véhicules Industriels et d'Equipements Mécaniques) est née en 1955 de la fusion des sociétés Latil, Somua et des poids-lourds Renault. Avec Berliet, la SAVIEM est le plus important producteur de poids-lourds français des années 1950 à la fin des années 1970.


sav02.jpgImmatriculé en 1963 dans les Deux-Sèvres, ce JL 20 porteur est chargé de bois. Il est équipé de la cabine "830" aux lignes arrondies et au pare-brise simple. Cette cabine aussi appelée "pétrolier" était surtout montée sur des véhicules destinés à parcourir de courtes distances, le confort étant en effet assez sommaire.


sav10.jpgCe JL 20 lui aussi à cabine "830" immatriculé dans la Vienne début 1965 transporte des buses en ciment. Il est encore probablement doté du moteur "Fulgur" comme le laisse penser la calandre à deux lames épaisses. Les amateurs de détails peuvent remarquer les petites vitres dans les portes aidant le chauffeur dans ses manœuvres, l'incontournable calendrier dans la cabine, l'arrière d'une 2 CV fourgonnette AZU et la publicité peinte pour les réfrigérateurs Frigéco !


sav11.jpgLa briqueterie d'André Chicot est fondée en 1938 dans le petit village de Saint-Rémy-sur-Creuse (Vienne) et produira des briques et des tuiles jusqu'en 1991. Cet attelage bicolore formé d'un tracteur JL 20 immatriculé fin 1964 à cabine "pétrolier" et d'un plateau à essieu unique n'a parcouru qu'une quinzaine de kilomètres jusqu'à la Celle-Saint-Avant. Le chauffeur vient probablement de déjeuner avant de repartir livrer son chargement.


sav04.jpgAppartenant aussi à la flotte de la briqueterie Chicot, ce JL 20 est quant à lui équipé de la cabine "840" qui se distingue de la précédente par des dimensions plus généreuses (en largeur et en hauteur) et un pare-brise en deux parties. Ici aussi, de petites vitres dans les portes aident à manœuvrer le tracteur sans risquer de heurter un obstacle.


sav12.jpgUn habitué de la ligne Bayonne-Paris, cet équipage des transports Castandet de Dax (Landes) pose avant de reprendre la route vers Paris. Le tracteur est un JL 20 à cabine "840" immatriculé à la fin de l'année 1965.


sav06.jpgEn route vers le sud, ce chauffeur, immortalisé devant son JL 20 immatriculé fin 1964 dans la Seine, représente bien la profession de l'époque: fine moustache, musculature avantageuse, "maillot de corps" et une virilité à fleur de peau ! Il faut admettre qu'il conduit un imposant ensemble.


sav14.jpgPortant tout aussi fièrement son "marcel", ce chauffeur roule pour une entreprise d'Angoulême (Charente) avec son JL 20 frigorifique comme le prouve l'inscription sur la cabine et le groupe situé au dessus. Notez l'élégance de la carrosserie du fourgon et la livrée bicolore blanc-moutarde.


sav07.jpgEn provenance de Charente Maritime, ce tracteur JL 20 est associé à une benne double essieux. Travaillant sûrement dans le domaine des travaux publics, on a pris soin de fixer à son pare-chocs un anneau permettant de le tirer au cas ou..


sav01.jpgEn partir de 1964, la SAVIEM équipe sa gamme haute de moteurs "MAN" à injection directe. La dénomination des camions devient alors "JM" 20, la calandre est légèrement modifiée, elle ne comporte plus qu'une seule barre associée au losange Renault. Appartenant à Raymond Huet, négociant en vin basé à Saint-Ciers sur Gironde, ce JM 240 immatriculé en Charente-Maritime en 1964 est un des innombrables "pinardiers" qui parcourt la RN 10 du Sud-Ouest jusqu'aux entrepôts parisiens de Bercy. Cet attelage est composé d'un tracteur flambant neuf et d'un plateau sur lequel sont fixées huit citernes probablement pleines puisque l'attelage est sur la route de Paris. Notez l'imposante publicité pour la bière Kronenbourg en arrière-plan.


sav03.jpgEncore un tracteur JM 200 des transports-déménagements Cornet de Rochefort (Charente Maritime). La chauffeur vient de remettre le moteur en route avant de repartir vers Paris.


sav05.jpgCet attelage classique à l'époque est tiré avec un JM 200 immatriculé fin 1965 dans le Tarn et Garonne peint avec la fameuse teinte "bleu moyen" ou "bleu SAVIEM" comme la plupart des véhicules de la marque. L'ensemble est stationné au croisement de la RN 10 et de la RN 750 qui reliait La-Celle-Saint-Avant au Blanc (Indre) jusqu'en 1972, date de son déclassement en route départementale.


sav08.jpgTrès bel attelage d'un JM 200 immatriculé dans la Vienne en 1965 à une semi frigorifique magnifiquement peinte aux couleurs du transporteur Lafond de Jaunay Clan (Vienne) avec les blasons du Poitou et de l'Ile de France symbolisant ainsi la ligne Poitiers-Paris. Notez les inscriptions "viande" bien visible sur le pare-chocs du tracteur et "Transit International Routier" sur la semi.


sav16.jpgCe camion est bien un SAVIEM JM 200 mais carrossé en fourgon frigorifique intégral GR 12. La transformation était réalisée par les établissements Chéreau d'Avranches (Manche). Il transporte de la viande pour la société STAR de Poitiers vers Paris, Lyon ou encore Lons le Saunier.


sav15.jpgJumeau du fourgon précédent, ce JM 200 des transports Caillault est lui équipé d'un simple essieu. Le camion, ses jeunes et enthousiastes chauffeurs ont probablement déjà parcourus de nombreux kilomètres puisqu'ils assurent la ligne Poitou-Paris-Marseille.

Unic

La firme Unic est née en 1905 sous la houlette de Georges Richard qui après avoir fabriqué des bicyclettes se lance dans la fabrication d'automobiles puis de camions dans son usine de Puteaux. Particulièrement réputés pour leur robustesse, les poids-lourds Unic font alors partie du paysage routier français. L'entreprise sera rachetée par SIMCA en 1952 puis par FIAT en 1966 avant d'être absorbée par le groupe IVECO au milieu des années 1970.



uni1.jpg"Régional de l'étape" puisque qu'appartenant aux transports Boul de La-Celle-Saint-Avant, ce porteur-benne Unic ZU "Esterel" de 175 cv a été immatriculé en 1965. Il est équipé de la cabine plongeante apparue la même année. Notez la carrosserie bicolore assez rare pour un engin de chantier.


uni02.jpgAu milieu des années 1950, Unic lance une nouvelle calandre dotée de quatre projecteurs et sept éléments sensés améliorer le refroidissement du moteur. Par la même occasion, tous les modèles sont baptisés d'un nom de col des montagnes françaises. Immatriculé au début de l'année 1959 à Paris, ce tracteur ZU "Izoard" tracte une semi à essieu unique et s'apprête à reprendre sa route vers Paris.


uni04.jpgAutre représentant de la gamme à long capot, ce porteur "Auvergne" MZ 83  est chargé de lait en poudre pour jeunes animaux Spécilait. Les amateurs de SIMCA apprécieront l'Aronde "à moustache" et la 1300 en arrière plan.

uni03.jpgCas assez rare, c'est un couple qui pose ici devant ce porteur, avec remorque, Unic équipé de la cabine avancée "Vincennes" incontestablement plus moderne. C'est la réplique de la marque de Puteaux à la cabine "Relax" de Berliet.

Willeme

Ultime marque française présente dans cette collection de clichés, Willème est un des grands constructeurs de poids-lourds depuis les années 1920 jusqu'à sa disparition en 1969. Cette firme de Nanterre produit des camions particulièrement puissants souvent attelés à de lourdes remorques.


wil06.jpgCe tracteur LD 610 immatriculé fin 1962 dans le Lot et Garonne dispose encore de la fameuse cabine "nez de requin" récompensée pour son originalité lors du salon 1952. Pour l'anecdote, dans le film "Des gens sans importance" d'Henri Verneuil sensé se dérouler sur la RN 10, Jean Gabin pilote le même type de tracteur.


wil04.jpgA l'aube des années 1960 Willème modernise sa gamme grâce à cette cabine avancée "Horizon" due au styliste René Harvey. Ce tracteur LD immatriculé début 1962 dans le Tarn et Garonne assure la ligne Paris-Bordeaux et appartient à une entreprise toujours en activité aujourd'hui, les transports Chauderon de Moissac.



wil07.jpgCe tracteur Willeme LD immatriculé dans la Vienne en  1964 est de retour vers Poitiers. Il est attelé à la remorque frigorifique des transports  Lafond  déjà vue ci-dessus derrière un SAVIEM JM 200. Notez la forme des lunettes du chauffeur furieusement "sixties".


wil03.jpgBel attelage des établissements Barbot de Descartes (dont il a été question plus haut avec un Bernard TDA). La cabine de ce Willeme LD 610, immatriculé en Indre et Loire en 1962, 
n'est d'ailleurs pas sans rappeler celle de son concurrent Bernard. Notez en arrière plan la station service Shell de La-Celle-Saint-Avant et sa publicité pour les pneumatiques Englebert. Les amateurs de tout petit détail peuvent distinguer le fourgon Citroën Type H du boucher du village. Ce camion est souvent visible garé sur le bord de la route dans quelques cartes postales de la même époque.


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Le même attelage, avec le même chauffeur à moustache, photographié ici le long de l'église. Les charpentes métalliques de l'entreprise Barbot sont bien visibles sur la remorque.


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Encore un imposant attelage tracté par ce Willeme LD immatriculé en Gironde en 1963 posant devant le café avant de reprendre la route vers Bordeaux. La publicité pour les réfrigérateurs Frigéco est ici particulièrement bien visible.


pub-restoroute01.jpgAttelage des transports Venasassier composé d'un tracteur LP et d'une semi frigorifique roulant sur l'Europe de l'Ouest, de la France à l'Allemagne et au Bénélux en passant par l'Italie et l'Espagne !

Les marques étrangères

bern04.jpgSaurer est une marque helvétique qui assemble des poids-lourds en France dans son usine de Suresnes depuis 1910. Véritable "ancêtre" au milieu des années 1960, ce porteur Saurer intégralement carrossé en fourgon "réfrigérant" n'en est pas moins élégant avec sa livrée bicolore gris-bleu/gris foncé.


mer01.jpgPetit porteur Mercedes LP des transports-déménagements Chevreux de Pantin, département de la Seine à l'époque. En arrière plan un homme s'apprête à prendre le volant de sa Dauphine...


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Porteur frigorifique Magirus Pluto à la superbe couleur "moutarde" ou "bouton d'or" immatriculé dans la Charente Maritime en 1963 sur la route du retour.


inc08.jpgAttelage jumeau de celui vu plus haut, ce Bussing immatriculé dans les Deux-Sèvres fin 1963 fait lui aussi partie de la flotte de la briqueterie Ayrault de Parthenay sous le numéro 293.


inc06.jpgEncore un autre attelage identique de la briqueterie mais avec le logo "ERO". Ce Bussing assure le transport de briques entre Parthenay et Paris.


daf02.jpgTracteur DAF FT immatriculé en Haute Vienne en 1965 des transports Venassier. La semi est plus moderne que celle vue plus haut attelée à un Willème LD mais les inscriptions restent les mêmes (France-Allemagne-Benelux-Espagne-Italie). Cette cabine aux lignes modernes lancée par la marque hollandaise en 1964 n'est pas sans rappeler celles des Bernard "Télévision" et du Willeme "Horizon".


inc04.jpgPetit porteur italien OM Leoncino des déménageurs Laroche-Peltier de Saint Maixent l'Ecole (Deux-Sèvres). Cette marque transalpine fondée en 1918, absorbée par la groupe FIAT en 1933, est plus particulièrement spécialisée dans les petits tonnages et rencontre un succès d'estime dans les villes et les banlieues.
En France, OM est distribuée par le réseau Unic. Le Magirus Pluto vu plus haut est garé juste derrière.


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Au sommet de la gamme OM on trouvait ce tracteur Titano 2. Cet exemplaire immatriculé dans les Landes fin 1964 fait partie de la flotte des transports Castandet de Dax déjà évoqué avec un SAVIEM JL 20.


inc02.jpgPorteur de faible tonnage anglais Bedford TJ immatriculé dans la Vienne en 1962 associé à un fourgon en bois à structure métallique, probablement utilisée pour le transport d'animaux.

Fin de carrière à Sainte Maure de Touraine

En 1966, Arlette retourne au Café des Sports à Sainte Maure de Touraine. Elle y retrouve une partie de l'équipe avec laquelle elle avait déjà travaillé. L'affaire tournant très bien, le nombre d'employés atteint désormais la vingtaine.

equipe-des-sports-1966-gerants-caput.jpgL'ensemble du personnel pose ici autour du gérant, M. Caput. Arlette est à l'extrême droite, le visage partiellement caché.
Elle garde un excellent souvenir de cette seconde époque passé "aux Sports" de 1966 à 1968, elle travaille de jour comme de nuit, l'établissement étant ouvert 24 heures sur 24. Arlette raconte " les chauffeurs s'arrêtant au relais étant de plus en plus nombreux, un employé avait pour tâche de faire garer au mieux les camions sur l'immense parking à l'arrière de l'établissement. Le gérant avait même défini un sens de circulation dans le parking pour éviter que les poids-lourds ne se rencontrent et bloquent l'accès ou la sortie".
Le service offert aux chauffeurs comprenait aussi, à leur demande, le réveil matin. "Ils devaient écrire sur un grand tableau noir le numéro minéralogique de leur camion
et l'heure à laquelle ils souhaitaient être réveillés. A la fin de mon service de nuit, j'allais donc frapper une à deux fois à leur porte pour les réveiller. J'ai même arrosé les plus récalcitrants avec un jet d'eau propulsé par un siphon de bar !" se souvient encore Arlette en riant.

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Début 1969, elle quitte l'Indre et Loire quelques mois pour Tournus (Saône et Loire) avant de revenir dans la région de Sainte-Maure à l'automne. Elle travaille jusqu'au printemps 1970 au Bellevue, un restaurant situé au sud de Sainte Maure toujours sur la RN 10 tenu par une figure locale, M. Guerrero.

Le Bellevue jouxte deux stations-services ce qui en fait un lieu très fréquenté.

Le travail ne manque pas, le relais reçoit une clientèle très variée. Arlette se souvient plus particulièrement des cars de Portugais en route vers leur pays natal le temps des congés qu'il fallait servir très rapidement "l'été, nous pouvions recevoir entre quinze et vingt cars par nuit ce qui faisait près de mille repas à servir en l'espace de quelques heures". Le patron, qui a le sens des affaires, permet aux Portugais de faire déjà du change francs/escudos en empochant au passage une petite commission avant le départ du car.

En mai 1970, Arlette quitte le Bellevue mais aussi la Touraine pour s'installer avec son époux en région parisienne. Même si elle poursuit une carrière dans le domaine de la restauration, elle ne travaillera plus jamais dans ces relais routiers qui disparaitront peu à peu victimes de la modernité, de la rapidité et d'un monde qui change. 

Merci encore à elle pour le prêt de ses photos, sa patience et ses réponses précises à mes questions. 

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